Les Fêtes, la saison des odeurs

23 décembre 2022

Par Daniel Delisle . -Facile de replonger dans ses souvenirs quand on a eu plus de soixante-quinze ans pour en emmagasiner. Un loustic pourrait affirmer qu’on a l’embarras du choix. C’est ma chance et je la savoure; après tout, les avantages de la vieillesse ne sont pas si nombreux. Je vous souhaite d’avoir ou d’avoir eu la chance de sentir l’odeur du sapin naturel, la chance un soir du 24 décembre de renifler les odeurs émanant des chaudrons que votre mère disposait sur son poêle, affairée qu’elle était ou qu’elle est toujours ( chanceux, chanceuses si vous avez encore votre maman ) à mijoter les plats traditionnels tant aimés.

 

Au royaume des odeurs…

 

Au royaume des odeurs, il y en a une bien particulière qui s’appelle l’odeur des chevaux. Les gens qui travaillent auprès d’eux la reconnaissent, plus encore les gens qui côtoient des hommes et des femmes de chevaux. Ils ou elles auront beau dire et beau faire, prendre plusieurs douches par jour, s’il le faut, employer du linge dit d’écurie, il émanera toujours cette formidable et persistante odeur de cheval. Un parfum pour les amateurs, une puanteur pour les autres, en espérant que vous tous, chers lecteurs, soyez de la première catégorie.

 

D’aussi loin que je me souvienne, disons à la fin des années 40, l’odeur des chevaux m’a poursuivi. Ou plutôt, devrais-je dire, je l’ai poursuivie, traquée, cherchée et appréciée. Pourquoi ? Je n’en sais trop rien, sauf que mon amour inconditionnel de cette formidable bête m’a toujours hanté. C’est comme ça. Pour certains, c’est l’amour inconditionnel des chiens ou des chats, pour d’autres dont je suis, celui des chevaux. Je crois même que mon souvenir le plus lointain dans ma jeune vie, c’est l’image d’un cheval. Je me revois dans les bras de ma mère, à 2,3 ans, sur la galerie qui donnait sur notre cour, flattant et cajolant un cheval que mon père amenait sur l’heure du midi, qu’il attachait sans le dételer. Il installait une espèce de sac sur la tête de la bête, qui mangeait ainsi sa pitance. Je le flattais, cajolais. Ce genre de cheval de trait était toujours calme, placide. Un beau moment avec cette odeur typique chevaline que j’aimais déjà. Ah oui ! Mon père a travaillé tour à tour pour une épicerie, une boulangerie aussi et à chaque fois, les livraisons se faisaient avec des voitures de tous genres, tractées par un cheval.

Voiture à pain et chauffeur

 

Une odeur de cheval

 

À la fin des années 40, début des années 50, les chevaux étaient omniprésents dans les rues de la ville de Trois-Rivières, ma ville. Ils tiraient des voitures qui transportaient le lait, ou le pain, parfois mais plus rarement des voyageurs. ( je ne suis quand même pas né en 1850 ! ). Mon père me racontait que lorsqu’il ‘passait’ le pain, habituellement avec le même cheval, celui-ci apprenait tellement bien sa routine, qu’il pouvait faire le trajet sans que le conducteur, ici mon père, n’intervienne. Il allait ainsi de maison en maison, s’arrêtait, repartait, allait d’un côté de la rue ou de l’autre, au simple son de la voix du cocher. Incroyable. Et, vous le devinez, l’odeur du cheval se mêlait joyeusement à l’odeur du pain frais de la boulangerie Laviolette, coin Lévis Laviolette.

La boulangerie Laviolette

Quand les odeurs s’entremêlent

 

Quelques années plus tard, mon père était devenu un employé du Canadian Pacific, et j’avais souvent le mandat d’aller chercher du pain frais, à quelques coins de rue de chez nous, à la boulangerie Laviolette. L’odeur du bon pain frais, c’était et c’est toujours unique. Ajoutez-y un zeste d’odeur de cheval, car l’écurie de la boulangerie était située derrière le bâtiment principal, et vous avez un mélange d’odeurs que je n’oublierai jamais et qui ont bercé ma prime jeunesse, à l’âge des vies sans soucis.

Livreur de pain. Le métier vous intéresse ?

Aujourd’hui, les chevaux sont plus rares dans notre quotidien de citadin, même du campagnard que je suis devenu. N’en restent pas moins les odeurs. On n’aime ou on n’aime pas, mais elles sont là et les gens de chevaux vous diront qu’ils la perçoivent comme un parfum. C’est un peu comme Noël, au fond. Certains aiment, d’autres moins. Une chose est certaine, cette fête réveille en nous de multiples souvenirs, généralement positifs.

 

La suite demain !