Par Daniel Delisle . – On est en février 1985. J’enseigne au Séminaire Ste-Marie de Shawinigan et le midi, je prends mes repas dans un petit resto sympa de Ste-Flore de Grand-Mère. Je suis à l’époque un amateur de courses, un parieur et je fréquente régulièrement Blue Bonnets surtout, parfois Trois-Rivières. Or, il se trouve que le proprio dudit resto ( Yvon Bourgeois ) est un monsieur qui possède un cheval de course, cantonné sur le site des écuries de Trois-Rivières, confié aux soins de l’entraîneur-conducteur Claude Savignac.
Comme je suis au resto tous les midis ou presque, nous en venons à causer et un beau jour, il m’invite à l’accompagner le prochain samedi, aux écuries, pour voir son cheval ( Perfect Bret ) et rencontrer M. Savignac. Et c’est ce qui arrive.
L’enchantement
J’ai déjà, jeune, fréquenté les écuries mais là à presque 40 ans, c’est une nouvelle découverte. L’accueil de Claude ‘Ti-Moine’ Savignac est sympathique et il m’offre tout de go, de jogger Perfect Bret. On m’équipe; il fait froid. On me donne les instructions de base et me voilà parti sur la piste de course de Trois-Rivières. Je n’en crois pas mes yeux. Je suis ébloui, sous le choc, émerveillé et Perfect Bret est un ange. De retour à l’écurie, je n’en finis plus de m’extasier, de remercier pour cette expérience unique. « Si vous aimez cela autant, j’en ai dix autres à jogger », de s’exclamer Ti-Moine ! Et me voilà, lancé… huit à dix tours de piste chaque fois, les chevaux sont un peu différents, mais bon, dans l’ensemble, ça se passe bien. Et je suis au septième ciel ! À la fin de l’avant-midi, on m’invite à revenir chaque fois que j’en aurai envie : il y aura toujours des chevaux à jogger ! Ça ne devait pas tomber dans l’oreille d’un sourd.
Le samedi suivant, vers 7h30, j’étais rendu de nouveau à l’écurie à la grande surprise de Claude. Son invitation sans doute polie se transformait et le nouveau mordu était là, devant lui, prêt à recommencer l’expérience… Et c’est ainsi que semaine après semaine, jour de congé après jour de congé, grandes et petites vacances, je m’adonnais à ma nouvelle passion : jogger des chevaux de course.
L’expérience s’approfondit
Comme H3R tient des courses à l’année, l’écurie Savignac compte toujours une dizaine de têtes. On m’incite à prendre ma licence d’entraîneur pour pouvoir jogger des chevaux les soirs de course. Avec la collaboration de Réal Martineau, juge de paddock et celle de Gabriel Trahan, juge de courses, les étapes sont vite franchies. Pas aussi vite que j’aurais voulu, mais bon, assez vite, quand même. Si j’achète un cheval, ce que je fais ( mais ça c’est une autre histoire ), je pourrai le ‘réchauffer’ les soirs de courses et tranquillement, avec la collaboration de Réal Martineau, je réchaufferai les chevaux de l’écurie, puis ceux des autres. Et c’est ce qui se passe.
Les soirs de courses
Pour les gens de chevaux d’aujourd’hui et pour les amateurs récents, le rituel suivant vous étonnera les soirs de courses. Surtout que Claude Savignac est un entraîneur de la vieille école et ses chevaux avaient du succès. Or donc, le rituel d’entraînement un soir de courses, pour un partant est le suivant : prenons que le cheval court dans la 1ère course à 19h. À 16h, trois heures avant son départ, le premier échauffement consiste à deux milles et demi de jogging, à l’envers, i.e. pas dans le sens de la course. Une heure plus tard, on ramène le cheval en piste pour un ‘travail’ autour de 2.50. Une heure après, donc une heure avant son départ, il est 18h, un autre travail plus exigeant autour de 2.30 2.35, en insistant sur le dernier quart autour de 32 secondes ! Et ensuite, je parade ledit cheval, les conducteurs qui le peuvent, à cette époque lointaine, se passent facilement du ‘plaisir’ de parader !!! Pas moi, j’adore. Mon costume aux couleurs de l’écurie est toujours propre et je suis bien fier d’arborer les couleurs jaune et rouge.
Imaginez un soir quand l’écurie fait courir trois ou quatre chevaux…. Je passe mes soirées quasi complètes sur le sulky et j’adore. Et c’est ainsi, qu’au fil des années, jusqu’à la fin des années 90, je suis devenu l’homme de confiance de l’écurie pour jogger et travailler les chevaux. Je suis parfois craintif, toutes les bêtes ne sont pas Perfect Bret; il y en a que j’aime plus, d’autres moins, et ce par tous les temps. Qu’il fasse beau, mauvais, chaud, froid, très froid, je suis là. C’est sans doute ce qui me fait apprécier de Claude. Il peut compter sur moi.
Au fil des ans
Imaginez les milliers de fois que j’ai fait ce pase-temps… ce furent des années de grand plaisir. J’adorais le faire. Je me suis assis derrière presque un millier de chevaux différents. J’ai fait cela à H3R, à Québec, à Blue Bonnets et même une fois à The Meadowlands. Jamais je n’oublierai ces années; d’ailleurs les noms de tous les chevaux derrière lesquels j’ai pris place, sont consignés dans un grand livre que je conserve précieusement.
Le bonheur, c’est souvent de faire les choses que l’on aime… en cette veille de Noël, je vous souhaite de faire les choses que vous aimez et d’être heureux ! Joyeux Noë